Aux sources de notre nourriture: Nikolaï Vavilov et la découverte de la biodiversité - Gary Paul Nabhan, Jean-François Caro
Deux guides : Gary Paul Nabhan, et Nikolaï Vavilov. Deux botanistes / ethnobotanistes / phytogénéticiens ? Deux voyageurs, deux collecteurs de graine, deux découvreurs. Des aventuriers de l’arche perdue, en quête des origines géographiques de nos semences, défenseurs des agricultures locales au nom du savoir agricole autochtone.
Le premier chapitre (malgré son écriture un peu désordonnée, ne pas s’arrêter à cela, *surtout pas*), le premier chapitre, donc, fut un choc. Il dit le rêve d’un botaniste né dans la Russie des famines, l’histoire d’une banque de semences sous la Russie soviétique, et l’héroïque préservation d’un patrimoine d’exception en pleine guerre mondiale...
... Et de là, le voyage. Gary Paul Nabhan, lui-même défenseur de l’agriculture locale, spécialiste notamment de la région du désert de Sonora, membre fondateur de la belle organisation Native Seeds/SEARCH, retrace les pas de Vavilov lancé dans le monde à la recherche des hotspots de biodiversité, ces régions reculées qui ont échappé à la tyrannie des monocultures, où survivent et essaiment, couvées par un savoir autochtone, des graines ancestrales, inconnues parfois de la science, endémiques. Des régions où la diversité de plantes et de graines peut se compter en milliers. Fabuleux voyage, qui emmène vers les montagnes du Pamir, ce « Toit du Monde » abritant sous le ciel plus de 5500 variétés de plantes, dont 1500 endémiques ; le jardin d’Eden qu’abrite le Kazakhstan, là où poussent, imaginez un peu, des forêts, ouaip, des forêts entières de pommiers sauvages ; les oasis berbères de palmiers-dattiers, cette perle de verdure dans le désert ; les champs hopis de culture sèche, résilients à la sécheresse, moins résistants à la connerie occidentale qui s’acharna dans son avidité à remplacer l’agriculture locale autarcique en dépendance vis-à-vis de la junk food industrielle ; les cordillères de la Sierra Madre et leurs trésors de maïs – on marche, on marche à fond, et l’esprit s’envole, et les mains rêvent de caresser, égrener, sentir, et la bouche, elle aussi, participe au rêve, dans l’envie de goûter les nourritures locales, les pains de mûre du Pamir, les galettes géantes d’enjera, les déclinaisons mexicaines du maïs…
Et me voilà, au terme du voyage, plantée devant le rayon graines & céréales de mon mag’ bio local, à couver les petits paquets d’un autre regard. Dans le goût d’une graine, savourer, célébrer toute une terre, et la culture qui lui est liée, ah…